lundi 13 juillet 2009

Interview de l'écrivain Philippe Jaenada


Plage de Manacorra, 16h30, est-il le récit d’une histoire plus ou moins vraie ?

Beaucoup plus que moins. C'est même une histoire entièrement vraie, à quelques détails près. Ce qui relève du roman, c'est la construction, notamment avec les flashes-back : quand je courais avec des flammes gigantesques aux fesses, je n'avais évidemment pas le temps ni le loisir de penser aux quelques trucs un peu pathétiques (et vrais aussi) qui m'étaient arrivés avant. Mais en tout cas, tout ce que j'écris sur la journée de l'incendie, c'est quasiment du reportage.


Dans tous tes livres, les femmes sont souvent excentriques, comme désarticulées psychologiquement… Tu les vois globalement comme ça ?

Eh bien, comment dire ? Non, pas globalement, non. Mais particulièrement, si. La femme qui se trouve, approchée sous différents angles, dans tous mes romans, c'est la mienne (Anne-Catherine). Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ma femme est excentrique et comme désarticulée psychologiquement, oui.


Sais-tu au début de l’écriture de tes romans la manière dont ils vont se terminer, ou avances-tu plus ou moins à l’aveuglette ?

Je préfère savoir comment ils vont se terminer – déjà que c'est dur (je parle pour moi, du moins) de tenir la distance, pendant l'écriture, quand on sait où on va, alors sans but précis, au secours. Non, en général, j'ai très précisément en tête le début, la fin, et six ou sept étapes entre lesquelles je ne me dirige pas forcément en ligne droite. Il n'y a qu'un seul roman que j'ai écrit à l'aveuglette, comme tu dis, c'est La Grande à bouche molle. Et je crois que ça se voit... (Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou pas.)


Quel est ton moment préféré pour écrire ? Tu préfères écrire ou « avoir écrit » ?

Mon moment préféré, c'est la nuit. J'écris toutes les nuits jusqu'à 6h. Ce n'est pas que je sois noctambule ou quoi, c'est juste que j'ai essayé d'écrire la journée, je n'y arrive pas – je suis attiré vers ailleurs, je sens le temps qui passe, toutes ces choses pas terribles pour le travail (je n'ai pas des capacités de concentration extraordinaires...) Pour le reste, bonne question. Et pas facile d'y répondre. Disons que lorsque j'écris, ce que je préférerais, de loin, c'est "avoir écrit", et quand j'ai terminé, quand le livre sort, ce que je préférerais, et pas qu'un peu, c'est "écrire".

Si tu devais ne garder qu’un seul de tes romans, ce serait lequel ?

Impossible de répondre à ça. Pas mal d'auteurs le disent, et ce n'est pas une pirouette. Allez, disons comme pas mal d'autres, c'est pas très sport mais ça t'apprendra à poser ce genre de question, le dernier.

Par rapport à ton style, au sens formel… Penses-tu que les choses les plus importantes se disent entre parenthèses ?

Non, pas vraiment. Elles complètent ou précisent ou dédramatisent, c'est selon, les phrases hors de l'eau (j'ai toujours l'impression que les phrases entre parenthèses sont en dessous du texte, ça lui donne du relief, de la profondeur – ceci dit en toute modestie, bien sûr), mais ne sont pas plus ni moins importantes. Ce qu'on dit à voix basse n'est pas plus ni moins important que ce qu'on dit à voix haute. Les sous-vêtements ne sont pas plus ni moins importants que les vêtements.

Ton auteur préféré ?

Bukowski.

Tu aurais fait quoi de ta vie, si tu n’étais pas devenu écrivain ?

Alors là, mystère et boule de gomme.

La mort de Michael Jackson, ça t’a fait quoi ?

Un peu de peine, bien sûr. Pas parce que c'est une époque de ma vie qui disparaît, ma jeunesse, des machins comme ça, mais plutôt par le côté mythique, dramatique. En pensant à ce qu'il devait ressentir. Je suis assez fasciné par les grandes gloires, la solitude et la destruction que ça implique toujours.

Fromage ou dessert ?

Fromage, et plutôt trois fois qu'une. Avec du vin.